Peur et Respiration holotropique

Faut-il avoir peur de la Respiration Holotropique? J’ai eu envie de poser la question en découvrant sur Passeport Santé un sur-titre un brin alarmiste : “Un danger de la Respiration Holotropique : l’hyperventilation“. Envie de clarifier ce point donc, et aussi d’évoquer quelques peurs plus légitimes.

Pour régler la question de l’hyperventilation, commençons pas ajouter les arguments de Passeport Santé: ” L’hyperventilation peut provoquer des vertiges, des douleurs musculaires, une sensation de gorge serrée… Ces symptômes associés aux difficultés de respiration peuvent donc générer chez l’individu un état de panique, ce qui peut ensuite entraîner certains risques d’accidents, de chutes…

Ainsi, en fait de dangers, le magazine ferait référence à des symptômes. Et/ou états émotionnels. Des états qui menaceraient de faire tomber les pratiquants. Donc, oui, on peut tomber. On peut tomber dans de nombreuses expériences d’état de conscience élargis, en QiGong, en danse derviche, en yoga, en cérémonie chamanique, en ReBirth, etc. Oui, les états de conscience élargis ont la capacité à nous mettre dans une moindre vigilance et dans une plus grande vulnérabilité physique et émotionnelle. Dès lors, ce sont des expériences que même un professionnel de la discipline ne pratique pas seul, et qui doivent être encadrées par un-e (ou plusieurs) spécialiste-s dûment formé-e-s.

Il est ensuite probable que le magazine fasse ici un amalgame entre hyperventilation non contrôlée et hyperventilation contrôlée. Commençons par le début. L’accélération de la respiration, ou hyperventilation, produit une élimination excessive par les poumons de gaz carbonique, créant une une modification de l’équilibre acido-basique, appelée alcalose respiratoire. Dans une hyperventilation non contrôlée, involontaire, par exemple lors d’une crise d’anxiété importante, d’un épisode de spasmophilie en altitude, ou encore après une carence en oxygène de l’air respiré, il y activation du système orthosympathique et inhibition du système parasympathique. Les rythmes ventilatoires et cardiaques s’accélèrent, mais la vasoconstriction générale empêche la mise en action du cerveau et des muscles. Le sujet se retrouve donc dans une situation d’impuissance face au danger, d’où la sensation de panique éprouvée.

La Respiration Holotropique propose une démarche toute différente : l’hyperventilation contrôlée et accompagnée. La respiration est alors volontairement abdominale. Dans cet état, la fuite ou la lutte ne ne sont plus le sujet, car la vasoconstriction généralisée empêche le cerveau d’élaborer des stratégies efficaces, et inhibe l’activité motrice. Les zones corticales sont particulièrement mises en hypoxie (réduction de l’apport en oxygène au niveau des tissus de l’organisme), ce qui réduit fortement nos capacités mentales. Nous sommes comme impuissants, mais capables alors de rencontrer en conscience des situations qui inspireraient plutôt la fuite ou la lutte. La présence d’un tiers nous assistant aide grandement à vivre cette expérience sans panique. Stan Grof (créateur de la thérapie holotropique) a d’ailleurs fourni par ses multiples expériences la preuve scientifique que le syndrome d’hyperventilation n’a rien de pathologique.

Le magazine n’en parle pas, mais certains craignent aussi les tétanies qui peuvent survenir durant l’hyperventilation. Pourtant là-aussi, pas d’inquiétude. Contrairement à ce qui est prescrit en médecine (injecter du calcium, des tranquillisants, et faire respirer dans un sac en papier pour ré-inhaler le gaz carbonique expiré), on encourage plutôt en Respiration Holotropique à continuer l’hyperventilation, ce qui conduit à une culmination, puis à une résolution de ces tensions, souvent accompagnée d’une décharge énergétique, physique ou émotionnelle.

Ajoutons encore que l”hyperventilation elle-même ne dure qu’un infime moment de l’expérience, diminuant considérablement la probabilité d’un malaise ou d’une perte de connaissance. La grande majorité des praticiens en Respiration Holotropique ne partage donc pas l’inquiétude évoquée dans ce magazine, et, dans les rares cas de nécessité, ils guident la respiration vers plus de calme.

Ces praticiens sont par contre très vigilants à l’égard des contre-indications propres à la pratique de la Respiration Holotropique. Ils s’assurent lors d’un entretien préalable que leurs futurs clients ne présentent aucune de ces contre-indications. Passeport Santé en cite quelques unes: “Troubles cardiovasculaires, glaucome, épilepsie, grossesse, rétablissement après une chirurgie“. Nous y ajoutons: hypertension, tumeur au cerveau, opération chirurgicale récente, pathologie pulmonaire, pathologie psychiatrique.

Ceci étant dit la peur, au moment de commencer ce voyage, est possible et tout à fait compréhensible… Pas spécialement celle de faire un malaise, ou de chuter, mais celle de “se perdre”, de “ne pas y arriver”, “de ne pas revenir”, ou de toucher à une émotion dont on craint qu’elle soit en mesure de nous dévaster, ou encore de montrer quelque chose de soi qu’on préférait garder secret… Voici des peurs tout à fait légitimes, que nous connaissons ici et qui font partie du matériau de travail, si on peut dire. On sait que rencontrer et reconnaître une peur, de manière entière, authentique et profonde, c’est ouvrir les fenêtres, aérer, respirer, et grandir. Ce qui fait la différence en thérapie transpersonnelle et donc en Respiration Holotropique, c’est la possibilité de rencontrer ses peurs avec un mental “en pause”, qui ne cherchera donc pas à s’échapper, et de faire cette traversée dans un cadre garantissant la sécurité, et accompagné d’humains totalement présents et confiants dans le processus en cours.